jeudi 4 décembre 2008

Lycéens expulsés du Conseil Municipal à Levallois: article paru sur rue89 le 20 novembre dernier

Le député maire UMP Patrick Balkany a fait mettre en examen deux lycéens qui manifestaient lundi soir durant la séance du conseil municipal de Levallois-Perret (Haut-de-Seine), après avoir fait évacuer la salle.

Appelons-les Tristan et Matthieu (*). Même âge et même lycée à Levallois-Perret, le fief des Balkany dans les Hauts-de-Seine. Lundi soir, à l'issue d'un conseil municipal mouvementé, ils ont été arrêtés, comme quinze de leurs camarades. Mais ces deux-là ont été placés en garde à vue. Ils y étaient toujours mardi soir.

Outre cette garde à vue, Tristan et Matthieu, 17 ans chacun, ont en commun d'avoir des parents militants politiques dans l'opposition (PS pour l'un, PCF pour l'autre), de militer dans les organisations lycéennes, mais aussi au sein du MSL, le Mouvement solidaire pour le logement.

C'est Tristan, également impliqué au sein de la Coordination nationale lycéenne (CNL), qui a fondé cette association locale il y a près de deux ans.

Au fil des mois, le MSL a étoffé son reseau, fédéré des militants politiques et syndicaux (PS, Verts, PCF, CNL, LCR, SUD, FSU, CGT...). Leur but: aider les familles sous le coup d'une explusion à retrouver un logement. A leur actif, plusieurs dossiers qui se sont soldés par un relogement.

L'opposition accuse en effet les Balkany de loger d'abord "les amis de la mairie". Il y a un an, le Parisien avait ainsi révélé que le joueur de tennis Henri Leconte, (élu en mars 2008 sur la liste de Patrick Balkany comme conseiller municipal UMP) bénéficie d'un logement social.

Des témoignages qui concordent

Lundi, la Ville avait un rendez-vous important: l'examen du budget. Le Mouvement solidaire pour le logement avait décidé de se déplacer à une vingtaine. La mère de Tristan précise à Rue89 que son fils, lycéen, avait l'habitude d'assister à ces conseils.

Lundi soir, donc, le public arrive à la mairie et découvre que l'accès habituel a été condamné. Direction l'accès principal, où Annie Mandois, élue PCF, raconte avoir découvert "une présence policière particulièrement fournie", contre deux ou trois policiers municipaux à l'accoutumée.

Delphine Roussy, militante PS présente dans les rangs du public, confirme et précise qu'elle a été fouillée "à deux reprises comme à chaque fois que le MSL est présent". Dans les gradins, elle dit avoir entendu les policiers en faction parler d'aller "chercher les renforts" lorsque Patrick Balkany "a commencé à protester contre l'opposition".

Les séances sont en effet toujours très agitées à Levallois, où l'opposition municipale accuse depuis longtemps la mairie de "confisquer le débat démocratique, par exemple en coupant les micros lorsque l'opposition s'exprime".

Toutes les personnes présentes -dans le public, sur les gradins du haut, comme en bas, dans la salle- rapportent que le couple Balkany a protesté vivement contre "quelques gloussements et des applaudissements lorsqu'un représentant de l'opposition a bravé les sifflets des groupies de Balkany".

Pour Annie Mandois, "Balkany cherchait un prétexte contre le MSL, sinon pourquoi avoir mobilisé une cinquantaine de policiers?" C'est aussi l'avis d'Anne-Eugénie Faure, conseillère municipale socialiste depuis le mois de mars. Et avocate des deux mineurs depuis lundi.

Petits fours et renforts policiers

Suite à ce chahut et tandis que les renforts arrivent, Patrick Balkany demande une suspension de séance. Elle dure environ quinze minutes, durant lesquelles le gros des élus passent dans la salle contiguë, où les attendent des petits fours.

Mais Annie Mandois, Anne-Eugénie Faure et quelques autres restent dans la salle "en pensant que tant qu'on était témoins, ils ne leur taperaient pas dessus". Gilles Auchère, un autre élu PS, a même pris des images avec son téléphone portable. (Voir la vidéo)

Rébellion... et blessures?

Me Anne-Eugénie Faure raconte sa version des faits qui se sont déroulés après l'interruption de séance, alors que la police tente de faire évacuer la salle:

"Les jeunes ont refusé de quitter les lieux en faisant la pierre et les policiers s'en sont saisis brutalement, les ont levés de force. On a alors vu une grappe d'une cinquantaine de policiers qui embarquaient les jeunes, mais pas entendu particulièrement de cris."

Dix-sept jeunes au total sont pourtant arrêtés. Matthieu et Tristan sont placés en garde à vue. Les quinze autres seront très vite relâches. Etienne (*) est l'un deux. Il n'a passé que deux heures au commissariat. Il confirme la version de l'avocate et tente une explication de ces deux gardes à vue:

"Dans les gradins, ils ont pris tout le monde. Mais Matthieu, qui était le dernier à être évacué, a perdu ses clefs au moment où ils lui tenaient les quatre membres. Il a gigoté pour les récupérer, et à partir de là, on ne l'a plus vu jusqu'au commissariat.

"Sur place, nous avons attendu une demi-heure tous ensemble dans la même salle, puis ils sont revenus en demandant qui était Tristan, signe qu'ils ne connaissaient donc pas son visage, contrairement à Isabelle Balkany, qui l'a pris à partie pendant la séance. Pour moi, ça veut dire que c'est bien à une personnalité politique qu'on s'en prend."

L'avocate a finalement pu voir ses clients lundi soir à minuit:

"Ils n'avaient pas été entendus mais niaient les blessures, affirmant s'être seulement opposés à l'évacuation car ils n'étaient pas en infraction. L'interrogatoire a eu lieu seulement au matin, durant environ quatre heures, ce qui est très long pour des mineurs."

En effet, si, selon la police, Tristan et Matthieu sont uniquement accusés de "rébellion", l'avocate parlait, elle, mardi en début de soirée, d'une autre plainte pour coups et blessures. Le parquet soupçonnerait en fait les deux adolescents d'avoir blessé "légèrement" deux policiers, l'une à la cheville et l'autre aux côtes.

A l'issue des 24 premières heures de garde à vue, le parquet de Nanterre a demandé une prolongation "pour les besoins de l'enquête". Selon l'avocate, des certificats médicaux de policiers "mais pas seulement" devaient encore arriver.

Une garde à vue filmée pour les mineurs

Devant le commissariat, à Levallois-Perret, les parents ne comprenaient pas, mardi soir, pourquoi on les convoquait "seulement mercredi matin" pour leur faire signer leurs dépositions. Ils spéculaient: une nuit de confrontation avec les forces de l'ordre? De nouvelles intimidations?

Dans une telle affaire, la garde à vue ne peut excéder 48 heures. Et parce qu'ils sont mineurs, les interrogatoires doivent impérativement être filmés. Une sécurité? Pour Me Faure, c'est aussi le risque que la garde à vue s'éternise "parce qu'ils ne peuvent du coup les avoir qu'à l'usure, avec le temps".

Jointe au téléphone depuis le commissariat à 19 heures, la mère de Matthieu était à bout. Elle qui a vécu quatorze ans à Levallois dénonçait "les pratiques scandaleuses des Balkany":

"On est en France et on se pince. Depuis que Sarkozy a été élu, il se croit plus que jamais au-dessus des lois, mais on nage en plein despotisme."

A la même heure, la Direction départementale de la Sécurité publique pour les Hauts-de-Seine reconnaissait avoir "encore peu d'éléments". Le cabinet du maire, lui, était aux abonnés absents.

* Rue89 a décidé de ne pas révéler l'identité de ces mineurs, présumés innocents.

Pour en savoir plus : http://www.rue89.com/2008/11/18/deux-mineurs-irritent-balkany-36-heures-de-garde-a-vue

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelle est la position du MoDem sur cet incident ?
Condamner quelqu'un pour ses idées : Voltaire doit se retourner dans sa tombe.
nous sommes toujours dans le siècle des lumières mais celles des gyrophares et des paillettes...

Anonyme a dit…

Depuis plusieurs mois François Bayrou explique son projet humaniste au pays (voir son discours du 26 octobre 2008).

L'humanisme dénonce tout ce qui asservit ou dégrade l'Homme. Nous pouvons considerer qu'une expulsion manu militari, 39 heures de garde à vue et des poursuites judiciaires pour des personnes ayant déplues à un Maire lors d'un conseil municipal surgit de la volonté d'asservir et de dégrader des jeunes personnes que l'on pense plus faibles que soi.

Dans ce même discours François Bayrou a cité "la fameuse phrase de notre camarade Lacordaire : "Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui affranchit", d'où la nécessité de règles et d'institutions pour faire respecter ces règles."

Ici, nous sommes face à une tentative d'oppression. Faisons confiance aujourd'hui aux lois de la République. Espérons que les poursuites contre ces lycéens de Levallois seront arretées par des hommes de loi plus intelligents que ceux qui essaient de se servir des règles et les institutions de la République comme bon leur semblera.
John G.