dimanche 11 janvier 2009

Renaud Van Ruymbeke: le projet judiciaire de supprimer le juge d'instruction est inacceptable en l'état.

Dans une interview parue dans Le Journal du Dimanche, Renaud Van Ruymbeke,  premier juge d'instruction au pôle financier de Paris,  dénonce une réforme de l'instruction qui va "à l'encontre des libertés individuelles".  Si le projet judiciaire de Nicolas Sarkozy est appliqué, l'enquête sera contrôlée, selon le magistrat, au pouvoir exécutif.  Extraits.

Le président de la République veut supprimer le juge d'instruction pour que les libertés individuelles soient mieux garanties. Qu'en pensez-vous?

Au contraire, ce projet va à l'encontre des libertés individuelles. En effet, elle supprime le juge d'instruction, ou plus précisément le transforme en juge de l'instruction, ce qui revient à lui enlever tous les pouvoirs d'enquête. La réforme transfère ainsi ses prérogatives au parquet sans assurer le préalable indispensable à une telle évolution, à savoir l'indépendance des procureurs. Cette réforme est inacceptable en l'état. Si l'objectif est véritablement de mieux protéger les libertés individuelles, il suffit dans le système actuel de prévoir la présence de l'avocat dès la première heure de la garde à vue au stade de l'enquête. 

Que craignez-vous précisément?

Dans le système qui est préconisé par le président de la République, le magistrat conduisant l'enquête sera soumis au pouvoir exécutif. L'absence de juge d'instruction renforcera les pouvoirs du parquet et de la police. Nous assistons à une véritable reprise en main de l'institution judiciaire par le pouvoir politique. Cela me paraît gravement porter atteinte aux libertés.

Sans juge d'instruction, que deviendront, selon vous, les affaires politico-financières?

On ne les traitera plus. La réforme annoncée par M. Sarkozy sonne le glas des affaires politico-financières. M. Berlusconi tente depuis des années de stopper l'action des procureurs, trop indépendants à ses yeux, car ils prennent la liberté d'ordonner des enquêtes dans des domaines sensibles. Pourtant, l'exemple italien montre bien qu'il est possible de confier les pouvoirs d'enquête au parquet lorsqu'il est indépendant. Il est regrettable qu'en France on ne parvienne pas à couper le cordon entre le parquet et le politique. A cet égard, l'attitude adoptée par les membres du parquet de Nancy qui ont applaudi jeudi le discours de la présidente de leur tribunal en faveur de l'indépendance de la justice est salutaire. Je constate qu'une nouvelle fois leur hiérarchie s'apprête à leur demander des comptes et à les rappeler "à l'ordre". Ce n'est pas ma conception de la justice, car l'indépendance de celle-ci est un pilier de la démocratie nécessaire à la protection du citoyen.

Retrouvez l'intégralité de l'interview dans Le Journal du Dimanche et sur le site internet leJDD.fr

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